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Politique

Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko: du purgatoire au pouvoir

Le 14 mars 2024, un duo inédit sortait de prison sous les acclamations d’une foule en liesse. Dix jours plus tard, l’un d’eux devenait président du Sénégal. Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont écrit une page inédite de l’histoire politique africaine.

Le premier, pas très connu du grand public il y a encore quelques mois, endosse aujourd’hui le costume de chef d’État. Le second, figure de proue de l’opposition, a réussi le tour de force de s’effacer au profit de son compagnon d’infortune. Ensemble, ils ont défié le pouvoir en place, bravé l’adversité et imposé leur vision à une jeunesse avide de changement.

Sonko et Diomaye lancent leur campagne après leur libération de prison

Macky Sall et son régime avaient tout prévu, sauf ça. L’affaire semblait pliée : en éliminant Ousmane Sonko de la course à la présidentielle, en l’emprisonnant pour des motifs judiciaires controversés, le pouvoir pensait avoir réduit à néant les espoirs du principal opposant. Depuis 2021, les démêlés judiciaires de Sonko avaient rythmé la vie politique sénégalaise, donnant lieu à des affrontements violents entre ses partisans et les forces de l’ordre. Chaque accusation, chaque arrestation, chaque interdiction de manifester apparaissait comme une manœuvre visant à l’éloigner du palais présidentiel. Le schéma était classique : décrédibiliser un adversaire en l’accablant d’affaires judiciaires, le marginaliser dans l’opinion publique, puis l’écarter définitivement de la compétition électorale. L’histoire politique africaine regorge de tels précédents. Sauf que cette fois, le scénario n’a pas fonctionné comme prévu. Car Sonko n’était pas un opposant ordinaire. Là où d’autres auraient persisté dans une confrontation frontale, il a su anticiper et préparer un plan B. Son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye, discret mais loyal, avait été placé en réserve, prêt à prendre le relais si le pire arrivait.

La prison, laboratoire de la victoire

Lorsque Sonko et Faye sont incarcérés, le régime se félicite d’avoir neutralisé une opposition jugée trop turbulente. Ce que Macky Sall et ses stratèges n’avaient pas prévu, c’est que la prison allait renforcer le duo plutôt que l’affaiblir. Derrière les barreaux, les deux hommes se retrouvent dans une situation paradoxale : isolés du monde, mais plus influents que jamais. Leurs partisans, galvanisés par ce qu’ils perçoivent comme une injustice, maintiennent la pression dans la rue et sur les réseaux sociaux. Pendant ce temps, l’opinion publique bascule progressivement en leur faveur. Le pouvoir, acculé par une mobilisation grandissante et des pressions internationales, finit par céder. Le 14 mars 2024, à quelques jours de l’élection présidentielle, Sonko et Faye recouvrent la liberté. Mais au lieu de savourer leur victoire sur le plan judiciaire, ils se lancent immédiatement dans une course effrénée contre la montre : il reste dix jours pour convaincre, dix jours pour renverser la vapeur. Ce qui suit est digne d’un thriller politique. À peine libérés, les deux hommes entament une tournée express à travers le pays. À chaque étape, une marée humaine les attend, signe que leur popularité n’a fait que croître en leur absence. Là où le pouvoir sortant espérait une opposition affaiblie, il se retrouve face à une vague d’enthousiasme incontrôlable.

Les meetings se succèdent à un rythme effréné. Diomaye Faye, jusqu’ici resté dans l’ombre, impose peu à peu son style : calme, posé, avec un discours structuré qui tranche avec le ton plus combatif de Sonko. Cette complémentarité joue en leur faveur. Tandis que Sonko électrise les foules, Faye rassure les indécis et attire les électeurs modérés. Le 24 mars, le verdict tombe : Bassirou Diomaye Faye est élu dès le premier tour, un exploit rare dans un contexte aussi tendu. C’est une victoire éclatante, non seulement contre le pouvoir en place, mais aussi contre un système que le duo a voué aux gémonies. Ce qui rend cet épisode unique dans l’histoire politique africaine, c’est la posture d’Ousmane Sonko. Habituellement, les leaders charismatiques tiennent à leur destin personnel. Sonko, lui, a fait un choix inédit : sacrifier son ambition pour son idéal. « Sonko mooy Diomaye », scandaient les partisans du Pastef. Bouleversement politique Loin d’être un simple slogan, cette formule résume une stratégie mûrement réfléchie.

Plutôt que d’engager un bras de fer perdu d’avance pour récupérer son éligibilité, Sonko a pris tout le monde de court en adoubant son bras droit. Un choix osé, mais terriblement efficace. Bassirou Diomaye Faye, jusque-là en retrait, est propulsé sur le devant de la scène. Sa posture de sage, son discours rassembleur et son profil rassurant séduisent au-delà des cercles acquis à la cause du Pastef. Le Sénégal découvre un homme qui tranche avec l’image d’un Sonko combatif et clivant. En renonçant à être candidat, Sonko a prouvé qu’il pouvait transcender sa propre ambition au profit d’un projet collectif. Dans un continent où les opposants peinent souvent à se fédérer, ce choix marque une rupture avec les habitudes politiques. Le triomphe de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko ne se limite pas à une victoire électorale. C’est un changement profond, un défi lancé à la politique traditionnelle. Pour la première fois en Afrique, un opposant de premier plan a renoncé à son ambition personnelle pour assurer la survie de son projet politique.

Le message est puissant. Il résonne bien au-delà du Sénégal. À travers le continent, où tant de jeunes électeurs se sentent abandonnés par des élites accrochées au pouvoir, l’exemple de Sonko et Faye ouvre de nouvelles perspectives. Il montre qu’une opposition résiliente, stratège et unie peut triompher même face aux manœuvres les plus sophistiquées du pouvoir. Reste maintenant à voir comment Bassirou Diomaye Faye exercera son mandat. Saura-t-il incarner ce renouveau tant promis ? Parviendra-t-il à gouverner sans que l’ombre de Sonko ne pèse trop lourdement sur ses décisions ? Sonko restera-t-il dans un rôle de conseiller ou reprendra-t-il un jour le devant de la scène ? Les Sénégalais ont fait un pari audacieux. En confiant le pouvoir à un homme sorti de prison quelques jours plus tôt, ils ont exprimé leur rejet d’un système et leur soif de changement. Mais ils seront aussi exigeants : ils attendent des actes, des réformes et des résultats. Le purgatoire est terminé. Le pouvoir commence. Et avec lui, l’épreuve la plus difficile : celle de tenir ses promesses.

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